Gravitation en Champ Fort

Trous noirs et tests de la gravitation

Ce projet est motivé par les prochaines observations à haute résolution angulaire des trous noirs :

  • Dans le domaine de l’infrarouge proche, l’instrument
    GRAVITY sera installé sur le VLTI
    (ESO) en 2015 et atteindra une résolution astrométrique de l’ordre de 10 microsecondes d’arc en direction de Sgr A*. Cela doit notamment permettre de suivre une étoile sur une orbite relativiste, très proche du trou noir, ou encore l’évolution d’une structure d’accrétion près de la dernière orbite stable.
  • Dans le domaine radio submillimétrique, l’Event Horizon Telescope réalisera d’ici 2020 des observations
    interférométriques à très grande base, mettant en œuvre des antennes réparties à la surface du globe, dont celles d’ALMA. On obtiendra ainsi des images de l’environnement immédiat du trou noir, notamment du disque d’accrétion.

Les percées observationnelles décrites ci-dessus ouvrent de sérieuses perspectives sur la gravitation en champ fort et la physique des trous noirs. De nombreux tests vont devenir possibles sur la nature même de l’objet central ou sur la théorie de la gravitation elle-même. Encore faut-il préparer les observations par des études théoriques et des simulations numériques.

Dans le cadre de la relativité générale stricto sensu, un trou noir stationnaire ne peut être qu’un trou noir de Kerr, en vertu du théorème d’unicité démontré dans les années 1970 par Carter, Hawking et Israel. On résume souvent ce théorème par l’expression imagée“ un trou noir n’a pas de cheveux”, qui vient rappeler qu’un trou noir de Kerr est entièrement décrit par seulement deux nombres : sa masse et son moment cinétique (spin). Il se trouve que la métrique de Kerr est particulière au trou noir : hormis une ou deux solutions très académiques, tout autre objet en rotation génère une métrique différente de celle de Kerr. Or les observations de l’environnement immédiat du trou noir donnent accès à la métrique, que ce soit par le suivi d’orbites (géodésiques du genre temps de la métrique), ou par les images d’un disque d’accrétion (géodésiques du genre lumière). Diverses alternatives au trou noir ont été proposées dans la littérature : étoile bosonique, gravastar, Q-star, étoiles noires, etc. Il s’agit d’objets plus compacts que les étoiles à neutrons (le dernier stade avant le trou noir dans l’astrophysique standard) et dont la masse n’est pas limitée,alors que celle des étoiles à neutrons ne peut dépasser 3 masses solaires. Contrairement au trou noir, ces objets n’ont pas d’horizon des événements. Vus “de loin” (ainsi qu’observés jusqu’à présent), ils ressemblent fort à un trou noir. Il sera donc très intéressant d’identifier des critères permettant de distinguer la métrique générée par ces objets de la métrique de Kerr.

Par ailleurs, si la théorie de la gravitation n’est pas exactement la relativité générale, le trou noir pourrait être “chevelu”, c’est-à-dire différent du trou noir de Kerr. C’est le cas notamment des trous noirs en théorie Einstein-Yang-Mills, en théorie Einstein-Gauss-Bonnet avec dilaton ou en gravité de type Chern-Simons. Contrairement aux étoiles exotiques mentionnées ci-dessus, ces solutions possèdent un horizon des événements. Il s’agit donc bel et bien de trous noirs, mais différents du trou noir de Kerr. Là encore, de tels objets pourraient être révélés par leurs métriques, via la reconstruction des géodésiques à partir des observations à haute résolution angulaire.


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